Arts Vivants — Portraits d’artistes à la chambre photographique en binôme avec Thomas Morel-Fort. 

« L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. » Albert Camus, Discours de Suède, 1957

En 2020, un mot a résonné dans notre langue commune : essentiel. On en a fait un filtre brutal, une frontière soudaine entre ce qui serait vital et ce qui ne le serait plus. Du jour au lendemain, les artistes ont été relégués dans cette zone trouble où l'on place ce que l’on pense pouvoir sacrifier sans dommage. La culture s’est retrouvée assignée au silence, les rideaux baissés, les voix suspendues. Ce geste d’effacement, paradoxalement, a réveillé en nous un besoin. Le besoin d’aller à la rencontre de celles et ceux qui donnent forme au monde à travers les arts vivants. De les regarder, avec attention. De les photographier. De leur offrir une place. De ralentir avec eux, et de construire, image après image, un chant visuel. Ainsi est né Arts Vivants, une série de portraits à la chambre photographique réalisée entre 2020 et 2025 à travers les treize régions françaises. Un travail construit pas à pas, rencontre après rencontre, et pensé comme une fresque sobre, patiente, exigeante. Hors de la scène, dans l’intime tension du costume Les artistes que nous avons photographiés viennent du théâtre, du cirque, de la danse, des arts de la rue, du comte, de l’opéra ou le cabaret. Certains sont soutenus par des structures institutionnelles, d’autres évoluent dans des formes légères, mobiles, locales. Ils travaillent seuls ou en troupe, dans des scènes nationales comme dans des salles communales.

Tous ont accepté de poser en tenue de scène, costumés, maquillés, masqués. Mais ils n’ont pas été photographiés sur scène. Nous avons cherché à les rencontrer dans un ailleurs. Chez eux, dans une loge, un atelier, une cuisine, une grange, une cour, un sous-bois, une ruelle... Des lieux de vie, de transition, d’attente, des espaces poreux où affleure une tension féconde entre l’artifice du rôle et la réalité du quotidien.

Le masque ne cache rien ici. Il montre. Il fait surgir. Il devient prolongement du corps, langage symbolique. La photographie capte alors cette vibration entre personnage et personne, entre l’élan de la représentation et le poids du réel. Une autre forme de théâtre naît, plus fragile, plus nu. Chaque portrait devient une scène. Le spectateur est convoqué dans cet entre-deux, invité à regarder ce qui, d’ordinaire, reste hors cadre.